Avec mon ami Yann Borgnet nous avons réalisé le 1,2 et
3 juillet l'enchainement des directissimes du Glacier Noir.
Il y a trois sommets emblématiques dans ce fabuleux secteur : le Pelvoux, le Pic sans nom et l'Ailefroide et dans chacun d'entre eux la cordée J.M Cambon et B. Francou y a tracé
une directissime. Il nous a semblait logique de vouloir les relier entre elles pour rendre visite à ces itinéraires historiques et marquant de l'alpinisme dans l'Oisans.
Ce fut un projet auquel nous pensions depuis quelques temps et qui nous tenait à coeur, d'autant plus à moi car c'est ici que j'ai découvert l'alpinisme il y a maintenant 6 ans avec mon ami
Nicolas Peleau. Toutes ces faces imposantes qui se dressaient au dessus de nos têtes nous laissaient rêveurs et je m'étais dit qu'un jour j'aimerais bien les parcourir...
Le glacier noir n'est pas un lieu comme les autres, une fois remonté la moraine on se sent loin de tout et l'ambiance des lieux est assez particulière. Il n'y a pas beaucoup de monde, le
téléphone ne passe pas, les itinéraires sont durs et engagés et les descentes longues et pas commodes. Tous les ingrédients des grandes courses d'alpinisme qui promettent de belles
aventures!
La nôtre commence le 30 juin, je récupère Yann à Gap et nous montons lourdement chargés bivouaquer sur le Glacier Noir. Les conditions semblent bonnes comme je le pensais pour nos objectifs avec
le bas des faces à peu près sec et le haut en mixte. Par contre la fonte des névés qui coulent sur le rocher nous donne quelques doutes, on verra bien!
Les 3 faces du Glacier Noir avec le Pelvoux, le Pic sans nom et l' Ailefroide.
Nous sommes déjà à l'ombre quand nous installons notre bivouac. Qui sera notre "camp de base" pour trois nuits. Un bon repas et au lit à 20h demain ça va envoyer!
L'objectif du premier jour : La directe Cambon - Francou 76 en face N du Pelvoux (TD+ ; 1000m ; 6a et mixte). Répété par B. Potié en solitaire hivernal le 7 mars 84!
Aucunes autres informations. Le rocher est médiocre et l'escalade exposée, on a trouvé un terrain très "montagne" mais trop dangereux à notre gout pour la recommander, brrr...
L'approche du Pelvoux est assez compliquée et il faut trouver un bon cheminement entre les crevasses. Nous avons contourné la rimaye par la droite. J'attaque ainsi au lever du jour la première
longueur qui met de suite dans l'ambiance!
Yann dans le premier névé dominé par le grand mur central. La suite remonte une rampe et des fissures sur la droite pas facile à trouver.
La partie centrale est très raide et à notre regret très verglacée, ça ne va pas être du gateau et on va mettre du temps pour les 5 longueurs qui suivent. Nous attaquons prudemment en
chaussons avant de nous résoudre à mettre les grosses et les crampons. Yann dans une longueur dure où il exprimera tout son talent : rocher mauvais, verglas et difficulté pour se
protéger...bravo!
Je continue dans une autre longueur raide, heureusement une bonne fissure permet de protéger le relai moyen et le rétablissement en dalle...
Nous croisons la Voie Ginel Pinard de 1964, puis continuons en corde tendue jusqu'au sommet pour gagner du temps. Le
terrain se couche mais il faut grimper en finesse dans une roche en décomposition.
Petit coup de téléphone (sa passe enfin) mais on ne s'attarde guère au sommet car la descente est encore longue et pleine de doutes.. Nous rejoignons le Col Est du Pelvoux par le couloir
Coolidge et attaquons le couloir N. Nous descendons en désescalade sur la moitié du couloir avant de faire des rappels sur abalakovs pour passer les barres de séracs. Plutôt longue et délicate
nous sommes de retour au bivouac à 22h déjà bien dérouillés!
Petite nuit mais néanmoins réparatrice et nous voilà guronsés pour notre deuxième objectif : Le Pic sans nom par la mythique directe Cambon Francou 75 (ED- ; 1000m
; 6b+/A1 et mixte). Une voie vraiment majeure (cliquez sur l'image pour la taille réelle).
Nous attaquons vers six heures, la petite barre se passe facilement sur la droite par une rampe puis nous remontons le névé qui est raide. Yann attaque la première longueur qui se charge de nous
réveiller au cas où nous ne l'étions pas...puis on file en corde tendue jusqu'a la première longueur dure, une grande dalle.
Je prends la suite des choses avec le premier crux vraiment dément à grimper! Un superbe dièdre au début, un peu d'artif puis une sortie en libre sur du beau rocher, top!
Yann me rejoint et part pour le second crux, un long 6b+ soutenu où il faut bien grimper jusqu'au relai! Il y a un peu de glace par endroit du coup on artif sur quelques mètres.
Belle ambiance digne des grands big wall!
L'arrête Sommitale :
Nous sommes au sommet à 19h30, une petite pause et nous voilà parti pour la descente. Nous rejoignons le couloir NW, quelques abalakovs au début puis en désescalade et nous prenons pied sur
le glacier du coup de sabre. Ma mauvaise expérience dans ses crevasses béantes nous fait avancer prudemment et nous jouons à saute moutons entre les ponts fragiles...
Nous rejoignons notre bivouac à 22h30 bien sec. Malgré la fatigue, l'ambiance est joyeuse car on est conscient d'avoir passé un cap avec le Pic sans nom et nous commençons à y
croire sérieusement à notre enchainement. Il nous reste une voie, normalement plus facile et un peu moins longue. On s'hydrate et on mange toutes nos réserves avant de sombrer de sommeil. Le
lever est prévu pour cinq heures ce qui nous permet de gagner encore une heure de sommeil! Le réveil est dur, nos doigts sont abimés et on tarde à quitter nos duvets...allé il faut y aller!
Nous avons un peu plus de marche d'approche mais finalement le corps se met en route et nous voilà à l'attaque de notre troisième objectif : La directe Cambon-Francou 81 ou "Pilier des
Sérac" à l'Ailefroide Centrale (TD+ ; 900m ; 5+ et mixte).
Photo prise en Eté 2008.
L'escalade est belle, plus facile que les autres jours mais qui reste soutenue dans la première partie et en plus on grimpe au soleil le matin! Dément! Par contre certaines longueurs en
dalle sont bien engagées car on ne peut pas rajouter grand chose. Heureusement le rocher est bon!
La rimaye passe bien à gauche et nous voila à pied d'oeuvre, il est 8h. Yann dans la première rampe qui mène au pied des difficultés.
Le beau dièdre de la quatrième longueur, si on sort tout à droite, la sortie est simple et l'on évite de passer sur tout les blocs instables...d'autant que le relai n'est pas des
mieux protégé.
Votre protagoniste, mais ou va t'on passer ?
Par une jolie dalle on rejoint le fil du raide pilier.
Sa fait 4h30 que nous avons attaqués et nous en profitons pour faire une bonne pause au pied du glacier suspendue. C'est Yann qui le remonte. Nous choisissons de sortir par l'arrête de Coste
Rouge à l'Ailefroide Central pour le côté esthétique et en plus nous connaissons la descente effectué de nombreuses fois.
Sur l'arrête finale, la fatigue se fait bien sentir mais le sommet n'est plus très loin, tel deux robots nous avançons machinalement en corde tendue. Malgrés la fatigue c'est dans ces moments
qu'il faut être le plus concentré et à 16h30 nous nous hissons enfin, remplie de joie et la banane aux lèvres sur l'arrête sommital de l'Ailefroide!
Cette fois ci on se permet quand même de savourer l'instant présent! Malgrés tout il faut se résoudre à quitter se sommet, la descente toujours trop longue finit pas nous achever et ce
n'est que vers 22h que nous rejoignons le camping d'Ailefroide! Ce n'est pas finie pour autant, il faut remonter chercher notre bivouac au glacier noir....on se pose quand ?
Les 2 lascars :
Ce fut une superbe aventure riche en émotion vécu au pas de course avec mon ami Yann et dont je me souviendrais longtemps! Merci à toi et au Glacier Noir!
A+